Étude du Ch’an à travers les Kôans

 

Maha Acarya Yang Foxing

( Article rédigé du discours donné dans l’Université Fu Dan de Shang Hai le 10 mai 2002, et le 17 mai dans l’Université des Sciences Politiques et de la Loi de Pékin de la Chine.)

 

Introduction

L’École de Ch’an, en tant que Transmission Suprême qui dépasse l’enseignement des Trois Véhicules 1, fait partie de l’Eka-yana ( Premier Véhicule ou Bouddha Véhicule ) subitiste de l’éveil. Pour les pratiquants de l’Eka-yana subitiste de l’éveil, la compréhension des doctrines bouddhistes provient de la vraie pratique. Il leur faut se concentrer sur la cultivation spirituelle avec la compréhension qui joue un rôle complémentaire. La compréhension s’avance à la suite du progrès de la pratique. Plus le pratiquant parvient à un état élevé, plus il approfondit son étude du Dharma.

 Ceux qui pratiquent les enseignements du Bouddha sans avoir une compréhension juste font réduire le Bouddhisme à la religion mondaine, car les interprétations des religions mondaines ressemblent plutôt aux mythes qui ne peuvent pas résister aux vérifications scientifiques, ce n’est donc pas de vraie compréhension; de l’autre côté, ceux qui se concentrent sur l’étude théorique en passant par la vraie pratique se font limités dans le domaine philosophique, inséparable d’ailleurs de la conscience humaine. Si l’on dépend uniquement de la conscience humaine et essaie de comprendre les doctrines bouddhistes par leur sens littéral, quoique les interprétations semblent raisonnables et éloquentes, elles ne sont que des résultats de la comparaison et de la déduction qui n’égalent de toute façon pas au « vrai visage » du Bouddhisme. Comme ce que le Ve patriarche Hong Ren a dit:  la spéculation est inutile. Il en est de même pour le proverbe suivant : « ceux qui essaient de comprendre les doctrines bouddhistes par les études superficielles dénaturent complètement le sens des Réalisés des Trois Temps ».

Maintenant, je veux bien expliquer le subtile essentiel du Ch’an à travers les Kôans suivants :

( I ) Stances de Shen Xiu et de Hui Neng

Les stances de Shen Xiu et de Hui Neng sont datées du règne de GaoZong Li Zhi, il y a plus de 1300 ans. Depuis lors, les intellectuels anciens ou contemporains, chinois ou étrangers n’ont jamais cessé de les interpréter à leur propre façon. Cependent, il nous faut penser de façon indépendante pour voir si leurs commentaires sont pertinents.

Comme nous savons que Chen Yinque est un grand savant de la Chine contemporaine. Il paraît que Stalin s’est enquéri de lui lorsque Mao Zedong faisait une visite officielle à l’Union Soviétique... On pourrait y voir que Chen était vraiment célèbre à cet époque. Pourtant, en ce qui concerne les stances de Shen Xiu et de Hui Neng, il a ainsi fait ses commentaires : « ils ne font que plagier les poèmes des Anciens et les coller en un tout. Les métaphores sont impropres et les sens sont incomplets. En tout cas, ces deux stances ne sont pas fluentement écrites ». Comme la science accorde de l’importance aux expériences, le Ch’an demande de véritables pratiques. Bien que Chen ait municieusement fait des recherches sur les doctrines du Ch’an, il n’a jamais vraiment pratiqué le Ch’an, sans parler d’avoir une vraie réalisation interne. Par conséquent, ses commentaires s’appuyant uniquement sur la spéculation ne conforment pas à la vérité ( car les deux stances sont venues de vraies réalisations du Ch’an, elles sont différentes des oeuvres « plagiées des poèmes des Anciens... »), ni aux principes du Dharma ( puisqu’il essaie de comprendre les stances par la spéculation, il est donc impossible de découvrir la subtilité des réalisations internes). Ses commentaires arbitraires ne sont qu’un reflet de son ignorance et son arrogance.

Je suis d’avis que la stance de ShenXiu:

Le corps est l’arbre Bodhi,

l’esprit est comme un miroir brillant sur son support,

aussi devons-nous toujours le nettoyer,

afin que ne s’y dépose pas de la poussière.

résulte de la réalisation du Gen Shen après avoir brisé l’Attachement Discriminant à Ego et l’Attachement Discriminant à dharma ( Premier État ou Première Passe du Ch’an; Gen Shen signifie littéralement le corps original ): au cours de la pratique du Ch’an, quand le pratiquant se prolonge dans le Samadhi, il se sent soudain que le corps physique n’existe plus, seul un courant d’énergie sorti du Ming Gen( littéralement : la racine de la vie, environs 5 cm au-dessous du nombril ) atteint jusqu’au sommet de la tête. Au fur et à mesure de l’approfondissement de la pratique, ce courant agrandit et devient de plus en plus clair, dont la forme ressemble à un grand arbre, qui s’étend en bas dans la terre la plus profonde et jaillit au plus haut du ciel. ...d’où vient le vers « le corps est l’arbre Bodhi »; une fois atteint cet état, la lumière du coeur (soit la nature bouddha du pratiquant) commence à s’illuminer comme le « miroir brillant » évoqué dans la stance de Shen Xiu. Pourtant, puisque  ShenXiu n’a que brisé les deux sortes d’Attachements Discriminants sans franchir les Attachements Innés, quand son coeur entrent en réaction avec les conditions externes, les ennuis ont l’occasion de resurgir. C’est ainsi qu’il faut savoir se retenir pour éviter les influences de l’ignorance qui voile la vraie nature, voire aller jusqu’à lui faire perdre dans les poursuites aveugles des illusions. Par conséquent, « devons-nous toujours le nettoyer, afin que ne s’y dépose pas de la poussière ».

Est-ce que ShenXiu a vraiement brisé l’Attachement Discriminant à Ego et l’Attachement Discriminant à dharma? Ma reponse est oui, car les extraits suivants tirés du Soutra de la Plate-forme du VIe patriarche peuvent prouver mon opinion:

(1) Les diciples de Shen Xiu se moquaient souvent de l’analphabétisme de Hui Neng, Shen Xiu dit: « Hui Neng a de la sagesse autodidacte, il comprend au fond le Mahayana. Je suis inférieur à lui. D’ailleurs, mon maître, le Ve patriarche lui a personnellement transmis le robe et le Dharma, est-ce qu’il l’a fait sans raison? » Plus tard, Shen Xiu envoya un de ses diciples Zhi Cheng à CaoXi pour étudier auprès de Hui Neng.

(2) A la fête des lanternes en première année de la période de Shen Long ( soit l’an 705), Sheng Xiu et Hui’An recommendèrent Hui Neng à l’empreur Ze Tian: « au Sud du pays il y a successeur du maître Hong Ren, mieux vaux le consulter sur le Dharma du Mahayana ». L’empreur envoya donc Xue Jianchi aller convoquer Hui Neng avec son décret impérial, refusé cependant par Hui Neng sous prétexe de sa maladie. Ces deux faits sont une manifestation visible de la purté et de la noblesse de Shen Xiu, ils témoignent clairement que ShenXiu a accompli le premier état du Ch’an. De toute sa vie, il montrait une grande estime pour le VIe patriarche Hui Neng.

Cependant, ayant brisé les deux Attachements Discriminants, et parvenu à un état de consience pure, Shen Xiu n’a pas encore brisé l’Attachement Inné à Ego, soit état de Bhutatathata de Vide Intrinsèque, autrement dit, il n’a pas encore découvert sa vraie nature. C’est la raison pour laquelle Hong Ren lui a dit: « ta stance montre que tu n’a pas encore saisi l’essence de l’esprit. Tu es à l’extérieur de la « porte de l’Éveil », pas encore y entré ». De plus, puisque Shen Xiu a brisé les Attachements Discriminants, et pris conscience de « la souvent nettoyer pour ne pas s’y déposer de la poussière », il pouvait s’abstenir de chercher son intérêt au détriment des autres, et faire à l’occasion des bienfaits aux tous les êtres animés. Donc, le patriarche Hong Ren a approuvé la stance de Shen Xiu devant ses diciples: «pratiquez selon la stance, ce qui vous dispense de tomber dans les voies du mal; pratiquez selon la stance, ce qui vous apporte de grandes bénéfices ».

A ce moment-là, Hui Neng, entendant un jeune moine réciter la stance, fut troublé et lui demanda de le conduire à la grande salle où avait été écrite la stance de Shen Xiu. Ne sachant pas lire, il se la fit relire une nouvelle fois par Zhang Biejia, puis il lui demanda d’écrire la sienne à côté de celle de Shen Xiu :

A l’origine il n’y a pas d’arbre Bodhi,

et le miroir brillant n’a pas de support,

puisqu’il est toujours pure et immaculé,

où donc adhère de la poussière ?

Les deux premiers vers signalent l’insuffisance de la pratique de ShenXiu; tandis que le reste résulte du vrai accomplissement interne de l’état Bhutatathata où se dévoile la Vide Intrinsèque (soit le Seconde État du Ch’an), c’est-à-dire Hui Neng a réussi à briser l’Attachement Inné à Ego, et il a compris que toutes les choses sont vides par nature---« qu’il est toujours pure et immaculé »; Ayant brisé l’Attachement Inné à Ego, il a pu se débarasser de la pollution venue de l’ignorance. « Où donc adhère de la poussière »? 

La stance de Hui Neng fit étonner tout le monde. Cependant, le Ve patriarche Hong Ren la effaça avec ses souliers en disant que Hui Neng n’avait non plus saisi la nature Bouddha. Pourquoi? Premièrement, le Ve patriarche voulait protéger Hui Neng, parce qu’il connaissait ce que pensaient ses diciples...; Deuxièmement, Hui Neng, ayant brisé l’Attachement Inné à Ego, n’a pas encore brisé l’Attachement Inné à dharma. Il a compris l’état de Vide mais pas encore compris l’état de Non-Vide. Pas encore atteint le Non-Dualité, il était encore incapable de l’utiliser habilement. C’est la raison pour laquelle Hong Ren a dit qu’il n’a non plus découvert son essence de l’esprit. ( c’est-à-dire ne pas l’avoir découverte complètement et entièrement).

Sachant que Hui Neng était sur le point d’être illuminé, le patriarche Hong Ren alla secrètement à l’endroit où Hui Neng, trempé du sueur, en train de travailler du riz. Hong Ren lui demanda: « ceux qui se livrent à la recherche de la Loi peuvent se sacrifier la vie, n’est-ce pas? » « Oui! » répondit Hui Neng. Hong Ren continua : « le riz est-il mûr? » « Déjà, mais pas encore criblé ». Alors, Hong Ren frappa trois coups sur le mortier et retourna à sa chambre par la porte derrière. Hui Neng comprit immédiatement l’intention de son maître. Il fit son paquet, attendit jusqu’au beau milieu de la nuit puis alla voir Hong Ren par la porte derrière. Hong Ren, qui pratiquait alors le dhyana, fit exprès de lui demander sévèrement: « Pourquoi vennez-vous ici au beau milieu de la nuit? » « C’est vous qui m’a demandé de venir à cette heure et par la porte derrière ». Entendant sa réponse, Hong Ren prit son kasaya (dans la pratique de l’école esotérique de la Dynastie des Tang, les pratiquants suivent d’abord les rituels qui leur protègent contre les esprits malins, l’action de Hong Ren en joue le même rôle ), et commença à expliquer le Soutra du Diamant à Hui Neng (commentaires de l’auteur: quand un maître illuminé enseigne et bénit le pratiquant, c’est comme ce que dit dans le Soutra du Diamant: Que le Tathagata bénisse les Bodhisattvas, que le Tathagate instruise les Bodhisattvas!) Quand Hong Ren a expliqué jusqu’à « il faut (aux Bodhisattvas et aux Mahasattvas) faire naître son esprit sans s’attacher nulle part », Hui Neng était tout troublé, comme s’il avait touché le décharge électrique. Soudainement éveilé, il a prononcé immédiatement les cinq phrases de suite : « Qui aurait pensé que l’essence de l’esprit est intrinsèquement pure et immaculé? Qui aurait pensé que l’essence de l’esprit est intrinsèquement détachée de la naissance et de la mort? Qui aurait pensé que l’essence de l’esprit est intrinsèquement auto-suffisante? Qui aurait pensé que l’essence de l’esprit est intrinsèquement détachée du changement? Qui aurait pensé que tous ne sont que les manifestations de l’essence de l’esprit? » Sachant qu’il avait saisi « l’essence » du Ch’an, Hong Ren lui confia sa robe et le Dharma, en disant : « désormais, le Bouddhisme est à vous de le rendre prospère ! »

(II) Comment Maître FoYin a maîtrisé Su Tongpo

Su Shi avait pour nom littéraire Tongpo. Intelligent et doué de multiples talents, il était le plus grand écrivain de la Dynastie des Song de la Chine. A cause du désaccord avec les réformistes, il était considéré comme conservateur et relégué dans une région éloignée. Un jour, Tongpo, habillé élégamment d’une ceinture de jade, alla rendre visite à Maître FoYin. Par son apparence, FoYin sut déjà son humeur et ce qu’il pensait. Il se dit: « pour lui mener dans le chemin de l’Éveil, il me faut avant tout le maîtriser ». « Il n’y pas de place pour vous! » plaisanta-t-il avec Tongpo. Tongpo lui répliqua sur le même ton: « vraiment? Alors, prêtez-moi tes Quatre Grands Éléments( Si Da, c’est-à-dire le corps qui est composé par les quatres grands éléments tels que la terre, l’eau, le feu et le vent ) pour que je puisse m’y asseoir! » FoYin lui repondit d’un air sérieux: « vous pouvez vous asseoir sur mon corps, sous une seule condition que vous puissiez répondre à ma question; Si vous pouvez me répondre, faites comme vous voulez! Si vous n’y pouvez pas, laissez-moi votre ceinture de jade! » Ayant toujours une haute opinion de soi, Tongpo défit tout de suite sa ceinture de jade et la posa sur la chaire: « d’accord, promis! » FoYin lui demanda: « vous voulez prendre mes Quatres Grands Éléments (le corps) comme votre chaise de Ch’an, mais selon les soutras :  les cinq Skandhas sont vides et les Quatre Grands Éléments ne sont pas substentiels. Donc, je vous demande où vous vous-assoirez? » Tongpo ne sut que répondre. FoYin gagna ainsi la ceinture de jade et en retour, donna à Tongpo une robe rapiécée( habillement du bonze).

Avoué sa défaite, Tongpo accepta le robe. Assailli de milles sentiments, il écrit le poème suivant:

Les os maladifs ne peuvent pas supporter la ceinture de jade,

ainsi qu’une racine lourde est inrivale à la flèche aiguë,

Deviendrai-je un jour mandiant chantant dans la rue,

pour obtenir par chance, un robe de Montagne des Nouages2.

Peut-être vous êtes plus intelligents que Tongpo, réfléchissez-vous donc comment faire une réponse qui pourrait satisfaire FoYin. J’en ai deux...

Retourné, Tongpo se réfléchit: « bien que je suis perdu dans les conflits politiques et relégué dans cette région, j’ai quand même la chance de me faire un ami aussi excellent que FoYin. » Consolé de son échec, il écrit un seconde poème:

Je me prosterne vers le Maître du Monde,

l’univers infini est baigné dans ses lumières fines,

Impassible sous les huit sortes de vents,

il est assis posément sur le lotus d’or.

Une fois achevé, Tongpo envoya un garçon le donner à FoYin, Il croyait que FoYin écrirait certainement un autre pour lui répondre. Au contraire, après avoir lu le poème, FoYin n’écrivit que deux mots à la fin du poème :« Fang Pi !»(littéralement. lâcher un pet. c’est-à-dire les balivernes) et fit rentrer le garçon. Tongpo, tout furieux, fit la rage: « C’est un scandale! J’ai écrit le poème pour faire l’éloge du Bouddha, FoYin ose-t-il m’a ainsi humilié! » Immédiatement, il traversa le fleuve et alla directement chez FoYin. Cependant, FoYin eut déjà prévu son arrivée. Il ferma la porte à clé, recommanda son servant de couduire Tongpo dans le salon quand il arriverait, puis il partit. Très vite, Tongpo arriva furieusement. Voyant que la porte était en serrure, il n’eut qu’à suivre le servant dans le salon, et aperçut soudain sur le mur une paire de sentences:

Impassible sous les huit sortes de vents,

il traverse le fleuve, irrité par un seul pet.

Comme un bassin de l’eau froide versé sur Tongpo, cette paire de sentences le calma immédiatement. Il se dit confusement:  je n’ai pas pu tolérer le commentaire de Maître Fo Yin, comment puis-je parler du vers---« impassible sous les huit sortes de vents »? FoYin est un homme exceptionnel qui me connaît sur le bout du doigt. Oserais-je disputer avec lui? Il retourna, dit au servant de FoYin: « quand votre maître revient, veuillez-vous lui dire que je lui remercie de ses instructions. Maitenant je dois partir, et je reviendrai le voir un autre jour. » A ces mots, Tongpo quitta.

Il en ressort que, quand un intellectuel s’appuie uniquement sur la conscience, soit qu’il est intelligent et éloquent, il ne révalise pas avec ceux qui sont parvenus à la Sagesse Suprême .

(III) Impossible de saisir le coeur du passé, du présent ni du futur
     Maître De Shan était très connu pour ses explications du Soutra du Diamant. Puisque « Zhou » était son nom laïque de famille, on lui donna le nom « Diamant Zhou ». A son temps, le Ch’an se fut divisé en deux écoles: celle du
Nord (dit école de l'apprentissage gradualiste spirituel) et celle du Sud (dite école subitiste de l'Éveil). Lorsque Maître Long Tan préconisait au Sud l’École subitiste de l’Éveil et proposait que l’homme pourrait atteindre le Bouddhahood dans une seule vie, « Diamant Zhou » le considérait comme l’hérésie, et il eut l’intention d’aller détruire le temple de Long Tan. Capable de lire les pensées humaines, Long Tan le sut déjà à l’avance. Il demanda une de ses diciples d’attendre « Diamant Zhou » dans son chemin en se déguisant en commerçante des Dian Xin (gâteau fait du riz glutineux, littéralement signifie « saisir l’esprit/le coeur). Quand Zhou arriva, ayant faim et soif, il voulut acheter quelques Dian Xin comme son repas. Au-delà de son attente, la femme lui répondit malicieusement: « C’est pour les hommes de grande vertu que j’ai fait ces gâteaux. Si vous pouvez répondre à ma question, je vous les donnerai gratuitement; mais si vous n’arrivez pas à me répondre, le « QingLong Manuscrit » que vous apportez doit être un livre escroc, je le brulerai. » En pensant qu’elle n’était qu’une commerçante, Zhou la sous-estima: « pas de problème, posez-moi ta question! » La femme l’intérrogea: « vous voulez acheter mes Dian Xin (litt. saisir le coeur/ l’esprit ), mais le Soutra du Diamant nous dit qu’il est impossible de saisir le coeur du passé, ni du présent, ni du futur, alors comment pouvez-vous Dian Xin ( saisir le coeur )? » Zhou ne sut que répondre, la femme brula donc son manuscrit.

Question: comment y répondre pour gagner ces gâteaux?

(IV) Gatha

« je porte la houe avec les mains vides,

et marche à pied en assoyant sur un buffle;

promenant au-dessous du pont, je voix que,

le pont coule alors que l’eau reste. »

Il existe de diverses interprétations sur ce gatha. A mon avis, pour ceux qui ont réalisé le Non-Dualisme de la nature et de la forme, ils sont capables de réaliser toutes sortes de contemplations. D’où viennent les deux premiers vers de ce gatha qui décrivent le merveillex état interne réalisé dans la pratique. Les vers suivants sont des métaphores. L’eau indique l’essence de l’esprit, qui « ne vient pas à l'Être, ni cesse d'Être, ni altérée, ni immaculée, ni augmente ni diminue », donc il « reste », quant au pont, malgré sa solidité, il n’évite de toute façon pas le processus qu’est: la naissance, le déclin, la mort et le vide, processus d’ailleurs inévitable pour la Terre où nous demeurons, donc dans cette stance, « le pont coule alors que l’eau reste ».

(V) « Allez prendre du thé !» de Maître Zhao Zhou

Tant qu’il arrivait des gens qui rendaient visite à Maître Zhao Zhou, il ne leur disait : «Allez prendre du thé! »

A mon avis : comme ce que le Soutra du Diamant dit: « que le Tathagata bénisse les Bodhisattvas, que le Tathagate instruise les Bodhisattvas! », Zhao Zhou est un maître illuminé qui pouvait transférer les courants du Tathagata pour bénirà l’occasion ses visiteurs. Ceux qui demandent sincèrement son enseignement et possèdent une haute capacité spirituelle pourraient immédiatement correspondre avec son bénissement en découvrant le courant du Tathagata versé jusqu’au Ming Gen, ce qui fait diminuer le kamma et augmenter la sagesse. Avec l’effort soutenu et persévérant, l’essence de l’esprit du pratiquant commencerait à s’illuminer, et le courant de son  propre essence de l’esprit monte et rejoigne celui du Tathagata à la gorge, ce qui lui fait une sensation très comfortable, comme boîre des rosées bienfaisantes. Tel est le sens esotérique de cette phrase : « Allez prendre du thé » de Maître Zhao Zhou.

( VI) Gatha de la Transmission du Dharma de Maître LinJi

« Comment arrêter le fleuve incessant?

La vraie illumination sans borne est sans équivalent.

Sans forme, ni de nom et inexprimable,

le raisoir utilisé a besoin de l’aiguisement »

Le premier vers de cette stance : « comment arrêter le fleuve incessant? » Depuis un temps sans connaître le premier commencement, les êtres animés se perdent dans les poursuites aveugles des illusions et font obscurcir la lumière de leur propre nature. Sous impulsion des causes formées dans une existance antérieure ou des circonstances présentes, ils commettent des pêchés, se laissent conditionnés par la force kamma, et errent dans le cycle incessant de vie et de mort. Après la renaissance, ils recommencent à commettre le kamma, qui devient de son tour les causes d’une vie suivante. C’est ainsi que la naissance précède la mort et la mort précède la naissance. Cette succession continuelle de naissances et de morts ressemble au « fleuve » incessant du premier vers. Comment faire pour l’arrêter?

Deuxième vers : « La vraie illumination sans borne est sans équivalent». Maha Acarya FengDa’An a composé un poème dans ses Essais de Réalisations Internes :

Le Vrai Oeil réalisé au sommet de la tête, illumine les Trois Domaines

cet immense Océan des Essences est vraiment sans équivalent

il pénètre dans tous les phénomènes montants ou descendants de l’univers

cette pénétration elle-même est pourtant vide

Ce poème pourrait illustrer le sens esotérique du deuxième vers. Quant au troisième vers—« sans forme, ni de nom, et inexprimable », l’école du Ch’an considère le Prajna Paramita comme l’État Ultime de la réalisation. Le « Soutra du Coeur » décrit cet état avec les six négations commencées par « elles ne... » et les treize par « il n’y pas de...». En fait, il est impossible de comprendre l’essentiel subtile du Ch’an avec les mots ou la spéculation, car il est « sans forme, ni de nom et inexprimable ».

Le dernier vers « le raisoir utilisé a besoin de l’aiguisement » : ayant accompli l’État Ultime du Ch’an, le pratiquant peut régler habilement les affaires mondaines avec le Samadhi de l’Une-Pratique et le Samadhi de l’Une-Forme. Quand on lui pose des questions, ses réponses sont non seulement immédiates mais aussi pertinantes parce qu'elles proviennent de son propre essence de l’esprit; Une fois le mis en oeuvre, il retourne à l’état du Samadhi, dans lequel n’existent ni le corps physique ni la pensée, voire l’Inconnaissable lui-même est inconnaissable, rien n’est substentiel. Comme un raisoir utilisé qui demande de l’aiguisement pour maintenir sa fonction.

Conclusion

Il en ressort que la plupart des Kôans du Ch’an sont venus de vraies réalisations internes des anciens patriarches. Ceux qui essaient de spéculer sur leur sens littéral n’arrivent jamais à les comprendre. C’est la raison pour laquelle Maître Hong Ren a prononcé la phrase qu’on a déjà cité au début: «la spéculation est inutile»; et celle du VIe patriarche HuiNeng : « c’est à cause des spéculations que les Sravakas, les Pratyeka Bouddhas et les Bodhisattvas n’arrivent pas à comprendre la Sagesse-Bouddha. En se creusant la tête et essayant de faire des raisonnements, ils ne sont que de plus en plus loins de la Vérité ».

On a demandé à Maha Acarya Feng Da’An: « les Kôans du Ch’an sont abstraits et difficiles à comprendre, comment résoudre ce problème? » Voici la réponse de Maha Acarya Fenda’An: « Pratiquez sous le bénissement d’un maître illuminé et se concentrez avec un coeur pure, vous découvrez un courant d’énergie sorti de Ming Gen jusqu’au sommet de la tête. Ce courant deviendra de plus en plus claire, voire développe en plein essor, il pénètre dans le sol et jaillit au ciel... une fois parvenu à cet état, vous retournez lire les Kôans du Ch’an, et vous serez assez lucide de découvrir leur sens esotériques.

Essai de Réalisations Internes de Maha Acarya Fonda’an :

Du sol au ciel s’élève un dragon latent,

qui pénètre au fond de la terre et jaillit au sommet du ciel.

Avec le Samadhi interne achevé et le Gen Shen agile,

le Prajana est le seul dépend à régler flexiblement les affaires mondaines.

 

1.         Le Ch’an provient de deux sortes de sagesses : la sagesse Ratnaketu de l’égalité et la sagesse Amitabha de la profonde observation. Il se diffère ainsi du dhyana des Trois Véhicules qui tirent leur origine du Alaya Vijnana ou du Vipaka Vijnana. Puisque le Ch’an dépasse les Trois Véhicules, on l’appelle aussi Transmission Suprême qui dépasse l’enseignement des Trois Véhicules.

2.          « Montagne des Nuages » est le nom littéraire (ou le surnom) de Maître Fo Yin.

 

BACK

Si vous avez des remarques et des suggestions à nous poser , n'hésitez pas à nous contactez : tangmi8 @ yahoo.com.cn

Copyright (C) Oct.15,1999. All Rights Reserved.